Le web occupe une part considérable du réseau internet depuis plus de 10 ans. Cette part ne cesse de croître. Il est pourtant étonnant de constater que beaucoup de site développés par des amateurs (non professionnels) ou par des sociétés ne prévoient pas de modélisation économique de leur projet, que ce soit pendant les phases de conception, de lancement ou bien d’exploitation. Nous trouverions peut-être là une explication à l’échec d’un certain nombre de projets web.
Les sites grand public

Le blog de Gonzague Dambricourt, un exemple de site non commercial qui présente quelques fois des articles sponsorisés. www.gonzague.me
Il est assez normal, voire acceptable, que les “amateurs” qui développent un projet de site internet ne pensent pas à sa rentabilité. Pourtant, une démarche désintéressée et non-commerciale n’interdit pas d’en prévoir l’équilibre financier. Un tel projet devrait être facile à équilibrer car il ne comporte aucune charges de personnel. Seules les charges d’hébergement, quelques licences logicielles et quelques frais de promotion devraient subsister.
Selon la nature du site web édité, les ressources peuvent être de trois natures bien distinctes et cumulables :
Ce mode de financement est assez aléatoire car il détermine les revenus sur la base du nombre de clics sur les bannières et sur leur nombre d’affichage. Ce dernier est directement subordonné au nombre de pages vues. Le site web édité doit donc garantir des volumes de visite suffisants pour avoir un intérêt, mais la faiblesse de la promotion des sites amateurs limite fortement cette possibilité. Les blogs se prêtent tout particulièrement à la diffusion de publicités rentables car leur mode de référencement garantit un nombre de pages vues proportionnel au nombre d’articles diffusés.
– Contenus sponsorisés
Dans le cadre d’un blog, les contenus sponsorisés peuvent être facilement mis en oeuvre mais ne garantissent pas toujours des revenus car il s’agit souvent de campagnes marketing rémunérées en cadeaux par les marques. Les contenus doivent être convenablement identifiés comme sponsorisés : les visiteurs ont horreur d’être trompés sur la nature d’un article, même s’il est pertinent.
– Contenus payants
Un principe souvent retenu par les sociétés commerciales consiste à rendre certains contenus de leurs sites payants. Les amateurs qui se lancent dans une aventure internet peuvent s’inscrire dans cette démarche s’ils estiment que leurs contenus sont suffisamment qualitatifs, et que leurs visiteurs seront prêt à payer pour y accéder. Les modèles économiques trouvant leur équilibre dans ce contexte restent rare.
Les sociétés créées pour soutenir un projet de site web

DoYouBuzz , exemple parfait d’un service web qui propose un offre gratuite et une offre payante incluant plus de services. www.doyoubuzz.com
Les sociétés créées pour soutenir un projet de site web correspondent bien souvent à ce que l’on appelle une “startup”. Il s’agit d’équipes de travail qui prennent la forme juridique d’une société commerciale et qui ont pour objectif le développement d’un projet de site web. Ces équipes ont la plupart du temps à coeur de proposer un nouveau service plus que de nouveaux contenus.
Les exemples de sites web d’envergure qui ont pour mission la diffusion de contenus sont assez nombreux dans les domaines de la vidéo et de la musique et beaucoup moins nombreux dans les domaines de l’information écrite. Dans ces trois cas, il s’agit souvent d’exploiter sur internet le potentiel de contenus créés pour d’autres supports et pour lesquels le média internet est une évolution plutôt qu’un nouveau service de génération spontanée.
Dans le cas services conçus spécifiquement pour internet, la monétisation passe bien souvent par un modèle de gratuité adossé à une offre appelée Premium, Freemium ou encore Pro. Ce système permet aux utilisateur occasionnels d’accéder à un service qu’il pourront ensuite acheter selon l’évolution de leurs besoins. Il s’agit d’une technique d’acquisition de client très efficace. La publicité est quasiment inexistante dans le secteur des services : la nécessité de recruter des clients prêts à payer pour bénéficier du service et donc impérieuse.
La modélisation économique liée aux services ne permet pas à toutes les sociétés de trouver l’équilibre mais assure, en revanche, une certaine pérennité aux survivantes.
Les société au business model déjà installé et qui souhaitent avoir une visibilité sur internet

On ne présente plus Peugeot, marque pleinement intégrée au groupe PSA qui fabrique des automobiles depuis le début du siècle dernier, la vente en ligne via Peugeot Webstore est une nouveauté pour cette société. www.peugeotwebstore.com
Il s’agit donc de sociétés qui peuvent revendiquer plusieurs années d’existence et surtout un modèle économique qui a déjà prouvé son efficacité hors d’internet. Il s’agit, par exemple : de garages vendant des voitures, d’enseignes de la grande distribution, de groupes de presse éditant des titres sur papier, etc. Dans l’ensemble de ces cas, l’entreprise a été créée autour d’une activité de commerce physique où les clients ont une relation directe avec l’entreprise, éventuellement par l’intermédiaire d’un réseau de revendeurs. Mais en aucun cas, ces sociétés n’ont recherché, dans un premier temps et pendant une durée assez longue (plusieurs années), la rentabilité de l’ensemble de leur activité sur internet.
Ces entreprises sont informées de l’existence d’internet par leur environnement et du succès économique de certains de leurs concurrents sur ce nouveau canal. Elles décident alors de tenter leur chance, ne serait-ce que pour prendre leur part de ce marché émergent ; sans trop savoir comment faire, ni quel peut en être le bénéfice réel.
Le cas des entreprise migrant une partie de leurs activités vers internet est le plus critique de tous ceux présentés dans cet article.
Plusieurs facteur expliquent ce caractère critique qui peut fragiliser l’entreprise pendant sa période de transition vers son nouvel équilibre économique. Nous pouvons citer les facteurs de risque suivants :
A grand renfort de médias et de bouche à oreille : cela fait à présent plusieurs années que le grand public est informé de la croissance d’internet. Souvent vulgarisé, le réseau et son contenu sont présentés comme facile d’accès et une certaine croyance collective laisse penser qu’assurer sa visibilité sur internet est une chose facile. Beaucoup d’entreprise créent des sites “plaquette commerciale” avec pour objectif de recruter de nouveaux clients. Les dirigeants de ces entreprises pensent souvent que la simple création d’un site et sa mention dans le moteur de recherche Google ainsi que sur les différents documents commerciaux de l’entreprise leur permettront de recruter de nouveaux clients sans effort. Une adresse email ou un formulaire de contact permettent aux clients arrivés par hasard sur le site (il arrivent sur ce type de site bien trop souvent par hasard…) de soumettre à l’entreprise leurs demandes commerciales. Dans les pires de ces cas, les entreprises conçoivent des sites en langues française et anglaise et pensent que cet effort leur permettra de recruter des clients aux quatre coins du monde…
Bien que ce scénario ait évolué vers des attentes moins excentriques, le fond demeure : les chefs d’entreprise savent qu’il leur faut concevoir un site web et qu’ils doivent le mettre à jour régulièrement. Mais ils ne savent pas précisément ce que ce site va leur apporter et quel bénéfice économique ils pourront en retirer. Il serait pourtant facile de ne se lancer dans un projet internet qu’après avoir effectué une étude de marché et fixé des objectifs communicationnels et commerciaux clairs et réalisables.
Les grands groupes ont depuis longtemps réglé le problème en faisant appel à des compétences externes en matière de conseil en économie numérique. Les TPE / PME, quant à elles, éprouvent de plus grandes difficultés à identifier les interlocuteurs stratégiques qui pourront soutenir leurs projets en direction d’internet. Le nombre de professionnels du marketing et de la communication en activité dans le secteur de l’internet est encore trop faible pour répondre à toutes les demandes.
Dans ce contexte, beaucoup d’entreprises s’en tiennent encore au stade de l’intuition lorsqu’il s’agit de se lancer sur internet de quelque façon que ce soit…
– Urgence de mise en oeuvre
Aujourd’hui, l’économie est aussi instable à l’échelle mondiale qu’à l’échelle d’un pays. C’est cette incertitude globalisée qui amène les entreprises de toute taille à prendre des décisions précipitées lorsqu’il s’agit d’économie numérique et plus précisément de présence sur internet. Un concurrent lance un nouveau produit ou un nouveau service sur internet et tout un secteur s’affole. Les chefs d’’entreprise formulent souvent le souhait “d’être le premier” sur un service ou une technologie internet en espérant que cette prééminence les protégera durablement contre les assauts de la concurrence.
Il est pourtant préférable de prendre le temps de la réflexion et de modéliser un projet jusqu’à son aboutissement (formulation de ses objectifs économiques ?) plutôt que de lancer précipitamment une offre sur internet et de décevoir ses clients potentiels par un projet in-abouti.
Dans le domaine du développement de projet économique et technologique, deux méthodes s’affrontent : A) Lancement du service une fois qu’il est pleinement fonctionnel et stabilisé ; B) Lancement d’un service beta auquel il manque beaucoup de fonctionnalité mais qui comporte déjà les fonctions principales attendues, les autres fonctionnalités et stabilisations sont apportées par améliorations successives. La complexité des sites internet actuellement mise en oeuvre amène la plupart des entrepreneurs à choisir la solution B) car elle permet de mettre rapidement un site web en ligne. Le client est ensuite impliqué dans les tests et corrections des fonctionnalités imparfaites ou manquantes.
Cette méthode constitue une bonne solution pour mettre rapidement des projets en ligne sans que ses usagers ne ressentent le moindre agacement à leur utilisation : ils sont informés dès leur première connexion au site web de son statut de “beta” et ne sont donc jamais ni déçus, ni frustrés par les imperfections rencontrées. Nous obtenons donc des clients heureux et pro-actifs ! Précisons que ce système ne fonctionne que si la société éditrice remplit la part du contrat moral qui consiste à prendre en compte les remarques et attentes de ses clients.
Malgré cette solution plutôt satisfaisante pour l’ensemble des partis concernés, il existe encore beaucoup d’entreprises qui se lancent trop vite et ternissent très rapidement leur e-réputation…
Aujourd’hui, être le “premier” sur internet n’est plus un gage de réussite à long terme.
– Faiblesse des compétences en communication et des compétences techniques
Commençons par une équation quelque peu simpliste : plus les entreprises sont petites, plus faible sont leurs ressources en communication numérique.
La faiblesse des compétences internes et le manque de relations avec des professionnels extérieurs à l’entreprise sont des facteurs déterminants dans l’incapacité de celle-ci à faire des choix pertinents et pérennes. Les demandes en conseil de ces petites entreprises sont souvent épisodiques et ne constituent pas des “marchés” qui intéresseraient durablement les professionnels du secteur de la communication. Mais cela ne doit pas laisser penser que ces besoin sont moins stratégiques ou moins qualitatifs.
Cette difficulté à intéresser les professionnels de la communication numérique avec des “micros marchés” explique le manque de contact des décideurs de ces petites entreprises avec les interlocuteurs qui seraient à même d’augmenter leur niveau de compétence, les amenant à effectuer des arbitrages stratégiques de plus en plus pertinents. Ces petites entreprises restent donc, la plupart du temps, isolées et les compétences en technique de communication qui leurs manquent ne sont jamais pourvues.
Il existe ainsi des entreprises qui reconçoivent leur site web “from scratch” (de zéro) lorsqu’il s’agit d’en changer, sans être capable de tirer les enseignements du précédents site, ni d’en discerner les qualités et faiblesses. Cet éternel recommencement n’est pas propice à la construction d’une stratégie pérenne.
En revanche, les entreprises de plus grande taille (des PME aux grands groupes) qui sont capables d’internaliser les compétences qui concourent à la conception d’une stratégie de communication numérique ne rencontrent pas les mêmes difficultés. Les cadres qui sont chargés de traiter la stratégie internet de ces entreprise leurs permettent d’entrer en relation avec les professionnels extérieurs qui leur apporteront les compétences manquantes. Le carnet d’adresse des décideurs est un facteur d’accélération prépondérant dans la mise en oeuvre d’une stratégie de communication numérique.
Pour les entreprises de toute taille, les enjeux que sont les choix technologiques et le choix des prestataires reste difficile. Le secteur d’activité de l’internet est encore jeune avec mois de 15 années d’existence, il connaît une croissance extrêmement rapide qui contribue à son instabilité économique (par exemple : éclatement de la bulle internet en 2000). Les prestataires recherchent encore leur identité et peinent à définir des offres commerciales structurées. Il est donc quasiment impossible, pour les clients recherchant des partenaires techniques, de trouver immédiatement un prestataire qui soutiendra leur effort technologique de manière pérenne. Il faut souvent plusieurs tentatives à ces entreprises pour rencontrer des partenaires qui contribueront durablement à leurs projets.
Dans ces périodes d’incertitude et de précipitation, les entreprises mal conseillées réceptionnent des projets de site web de piètre qualité, fruits d’une grande frustration chez leurs commanditaires. Le principal avantage de ces échecs partiels et de permettre aux entreprises de tirer des enseignements qui permettront aux projets suivants d’être pleinement maîtrisés.
Ces débuts chaotiques amènent les entreprises à mettre plusieurs années à stabiliser leur présence sur internet. L’investissement (en temps et en moyens financiers) est bien souvent supérieur à la réelle utilité pour l’entreprise d’assurer sa visibilité sur internet.
Conclusion

Carrefour a lancé il y a quelques années le site Ooshop, le succès est mitigé et l’ergonomie, bien qu’étant régulièrement améliorée, prête encore à caution. www.ooshop.com
Quand il s’agit de trouver une rentabilité sur le web, ces sociétés raisonnent la plupart du temps en transposition de leur modèle économique existant. Cette méthode fait bien souvent l’économie du bon sens car la légitimité d’un modèle économique se trouve dans son contexte d’exploitation. Il n’est pas rare de constater qu’il est beaucoup plus simple de réinventer un modèle économique plutôt que de le transposer : la transposition ne permet pas d’intégrer les contraintes spécifiques du web. L’échec des supermarchés en ligne tient, par exemple, à l’absence de prise en compte des spécificités d’internet. La correction d’un certain nombre de facteurs bloquants (lenteur du site, complexité du paiement, rigidité des modes de livraison, convivialité de l’interface de sélection des produits, etc.) libèrera ce marché naissant qui deviendra profitable pour les sociétés qui auront bien voulues remettre en cause leur modèle traditionnel de commercialisation.
Pour résumer, un début de recette de réussite pour se lancer sur internet pourrait être le suivant :
- S’entourer de conseils compétents
- S’appliquer à modéliser l’ensemble du projet avec un soin particulier pour sa rentabilité
- Ne pas se précipiter et effectuer une étude de marché réaliste
- Ne pas rechercher un produit technique parfait mais mettre rapidement en ligne un site web qui remplit ses fonctions fondamentales
- Impliquer les visiteurs et clients dans l’amélioration continuelle d’un site web
- Rester ouvert (d’esprit) à l’évolution des technologies et aux modes de communication numérique émergents
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