Travailler à la maison

par | 20 Fév 2020 | 0 commentaires

Si vous avez déjà lu certains de mes articles, vous aurez compris que mon objectif est d’exposer mes réflexions autour des notions d’indépendance, de freelancing mais surtout autour des questions qui touchent le fait de travailler à la maison. Je voudrais pousser aujourd’hui ma réflexion un peu plus loin sur ce dernier thème afin de préciser ce que cela signifie, ce que ça représente dans l’imaginaire collectif et de déterminer les avantages que cela procure ainsi que les critères pour que ça se « passe bien ».

 

La liberté à la maison

Travailler chez soi peut tout d’abord représenter une sorte de pied-de-nez au système établi du salariat. D’un côté, on devient indépendant et on ne répond plus aux standard du travail salarié, d’un autre côté, on devient livre de travailler où l’on veut et notamment chez soi. Mais décider de travailler dans un lieu qui symbolise la vie privée et non le travail peut sembler contre intuitif. N’y aurait-il pas là un dangereux mélange des genres ? Comme vous vous en doutez, je vais tenter de vous démontrer que ce n’est pas le cas.

Pour beaucoup, travailler chez soi n’est même pas envisageable. Ces personnes semblent avoir besoin d’un espace dédié au travail, pour se concentrer mais aussi un espace qui soit exempt de distraction. Ils ont besoin de sortir de chez eux, faire un pas dehors et changer d’univers, comme pour passer d’une vie à une autre.
J’ai moi aussi longtemps cru avoir besoin de cela, impossible et inenvisageable de travailler à la maison. Mais j’ai compris, il y a quelques temps, en changeant d’activité professionnelle et de mode de travail, que si j’avais besoin d’un lieu spécifique et distinct, c’était pour m’appliquer une contrainte volontaire. C’est en fait parce que je n’aimais pas du tout ce que je faisais au travail que j’avais besoin de cela. Finalement, dans les cas où il serait possible de choisir librement son lieu de travail, c’est peut-être le fait d’aimer la nature même de son activité professionnelle qui permettrait de l’exercer partout, sans restriction, à plus forte raison chez soi.

L’équation serait donc simple : pour pouvoir travailler chez vous, vous devez aimer ce que vous faites !

Quand je parle de travailler chez soi, je parle bien évidement ici des métiers que l’on peut exercer en tout indépendance, sans avoir à recevoir du public, des clients ou avoir à collaborer avec des équipes importantes. Sinon, les lieux de travail collectif comme les coworking, les établissements recevant du public ou les entreprises restent tout à fait appropriées aux activités qui les animent. Mais l’indépendant qui nous intéresse ici est celui qui travaille seul ou en réseau, sans avoir besoin, pour des raisons logistiques ou organisationnelles de localiser ses activités dans un bureau ou un atelier distinct de son domicile. Il en va de même pour les professions où l’on peut s’isoler totalement pour certaines parties de son travail, comme l’enseignement, le conseil, l’artisanat, etc.

Il s’agit donc d’une prise de liberté sur le système et votre entourage en est souvent conscient, voire jaloux (aimerait-il lui aussi pouvoir se libérer de ces contraintes ?). Car avec cette liberté organisationnelle et géographique, il y a aussi une liberté de choix professionnel qui consiste à orienter sa carrière comme on l’entend, selon ses envies et aptitudes démontrées.

Mais tout pouvoir est accompagné de grandes responsabilités.

Il faut donc s’autodiscipliner et conserver un rythme de travail ainsi qu’un cap dans ses activités. Et ces cadres de travail sont toujours moins évidents à maintenir sur la durée quand on est seul et qu’aucune organisation ou collègue ne vous oblige à prendre du recul ou à produire des résultats immédiats. Il existe bien évidement des solutions pour palier cela. Mais c’est tout de même ce que l’expérience de la liberté, la vraie, implique.

 

Home sweet home (une maison bien douillette)

Autre aspect à considérer, comme un avantage concurrentiel : quoi de plus réconfortant et de motivant qu’une maison que l’on a aménagé et décoré soi-même, selon ses goûts, ses aspirations et ses valeurs ? J’imagine qu’un tel endroit pourrait être une source d’inspiration et de motivation infinie, même si je considère bien évidement qu’il soit utile de prendre l’air de temps à autre.

Sans même pouvoir en distinguer une, j’ai toujours considéré l’aménagement des entreprises où j’ai pu travailler comme étant froid et impersonnel. Fait de bureaux en mélaminé gris et de néons aveuglants, je ne me suis jamais senti bien dans ces endroits. Il était même amusant de constater à quel point les dirigeants pouvaient aussi souffrir de travailler dans ces environnements cliniques tant ils utilisaient les deniers de leur propre entreprise pour rendre leur propre bureau cosy et convivial. Mais leurs salariés n’avaient que rarement la chance de bénéficier du même niveau de confort. Pure injustice !

À la maison, nous avons donc l’opportunité de nous entourer de beau et de fonctionnel, de faire de notre environnement un endroit qui nous ressemble et qui nous conforte dans l’aboutissement de nos projets. Nous aurions donc tord de nous priver d’une telle possibilité…

 

Un refuge

Quand l’entreprise est un lieu collectif, froid et impersonnel, il n’y a plus d’endroit où se réfugier en cas de coup dur ou de besoin de se ressourcer, de réfléchir. Ces trois situations n’ayant même pas cours en entreprise tant le seul objectif formulé est de travailler, travailler et encore travailler.

Chez soi, on est à l’abri, dans son intimité, dans un endroit réconfortant et chaleureux (et si ce n’est pas le cas, posez-vous des questions, vous devriez peut-être déménager ?!!). Dans le cadre de la production d’oeuvres de la pensée, d’oeuvres artistiques ou d’artisanat créatif, ressentir cette protection nous permet de nous recentrer sans effort sur la nature même de notre action, notre travail, car nous ne sommes plus parasité par le bruit ou l’incongruité de l’environnement. Nous sommes enfin dans cet environnement que nous avons choisi.

Je pense qu’avoir la possibilité de revenir à de tels fondamentaux et de replacer l’évidence de ces énergies positives à la place de choix qui leur revient est une véritable chance pour celui qui travaille chez lui, une force que n’ont pas les salariés dans leur usine/bureau moderne et déshumanisé. Petit clin d’oeil à ceux qui sont contraint de collaborer dans d’ineptes open-spaces qui prétendent favoriser la collaboration alors qu’ils isolent et rendent fous les salariés qui y travaillent. Si vous n’avez pas ressenti vous-même cette sensation désagréable ne serait-ce qu’une fois en open-space, je vous invite à me faire part de votre expérience et des solutions qui vous ont permis de survivre durablement dans cet environnement car je suis très intéressé !

 

On ne travaille pas chez soi

Il s’agit là d’une idée reçue largement répandue qui consiste, pour ceux qui n’en ont jamais fait l’expérience, de penser que si l’on travaille à la maison, on ne travaille pas vraiment. Comme s’il n’était pas possible de mener, chez soi, d’autres actions que celles liées à la vie privée, conjugale ou familiale. Cela relève pourtant d’une profonde méconnaissance car les créatifs de tous bords font une expérience quotidienne de la confusion entre maison, bureau ou atelier. Elle est présente dans la vie de ces personnes depuis des siècles.

Certains créent dans leur cuisine, d’autres adossent un atelier ou un bureau à leur maison, toutes les combinaisons sont possibles mais le dénominateur commun est qu’ils peuvent passer, en un claquement de doigt, de leur vie privée à leur vie professionnelle. 

Est-ce une raison pour penser qu’ils ne travaillent pas, c’est obligatoirement une erreur de jugement tant le nombre des indépendants qui ont fait visiter leur atelier et leur maison, par la même occasion, est important. La télévision, les magazines et les livres s’en font l’écho très régulièrement depuis bien longtemps. Il s’agit de personnes dont les oeuvres sont indiscutables car tangibles, tableaux, sculptures, livres, scénarios, audits, applications informatiques, sites web, maquettes d’architecture, etc. Tout cela a bien été réalisé chez eux, ils ont donc bien travaillé… alors comment peut-on imaginer que rester chez soi consiste, comme par automatisme du raisonnement, à ne pas travailler ? Il y a bien évidement des risques de distraction potentielle mais cela ne veut pas dire qu’on est incapable de les éviter et que l’on ne peut pas se concentrer assidument sur son travail.

Un piège classique dans cette situation est celui, pour le conjoint, de penser que l’on dispose de plus de temps disponible dans la journée que lui, travaillant à l’extérieur, pour réaliser des tâches ménagères ou personnelles. Alors qu’il s’agit bel et bien d’un véritable travail, de ceux qui requièrent du temps et de la concentration et qui ne permet pas de jongler avec les lessives et la cuisine.

Je reconnais m’interrompre parfois pour aller faire un peu de boulangerie, pâte à pizza ou autre plat, pour faire quelque chose avec mes mains, faire une coupure et me détendre finalement, mais il s’agit d’un choix méthodologique et organisationnel, et non pas d’une contrainte mais plutôt d’une nécessité. Cette liberté de faire une rupture avec mes activités professionnelles est doublement opportun, car il me permet de couper quand bon me semble (et pas quand mon chef l’a décidé pour moi) mais il me permet aussi de faire quelque chose de profitable pour ma famille. Qui pourrait imagine aller pétrir de la pâte en milieu de journée sur son lieu de travail ? J’imagine pourtant que cela pourrait rendre un certain nombre de salariés heureux tant faire quelque chose avec ses mains, même pendant une période courte, les sortirait de leur quotidien et les rendrait assurément heureux. Car on le sais aujourd’hui, faire quelque chose avec ses mains rend heureux, émotion plutôt incertaine dans un grand nombre d’autres activités humaines, alors pourquoi ne pas capitaliser sur ce qui fonctionne ?

 

Un espace à soi

La notion de propriété et d’intimité avec un endroit est un autre aspect important à mettre en avant car il est unique et difficilement reproductible ailleurs que chez soi. Un espace à soi est un espace à soi est un espace où l’on travaille et qui n’est à personne d’autre. Dans de plus en plus d’entreprises, les espaces sont mutualisés, c’est par exemple le cas sur le campus de SANOFI à Gentilly où les salariés choisissent un emplacement pour travailler en arrivant chaque matin. Ils peuvent déterminer celui-ci en fonction de la nature du travail à accomplir ou des collaborations/synergies dont ils ont besoin pour le mener à bien.

Mais une telle instabilité ne permet jamais de poser durablement ses bagages, on se retrouve dans une instabilité perpétuelle, tel un voyageur sans destination, toujours sur la route, sans savoir vers qui ou quoi s’orienter.

Et on a pourtant pu vérifier chez les musiciens qui passaient plusieurs années consécutives sur la route, en tournée à quel point cela pouvait être déstructurant psychiquement de ne jamais retrouver régulièrement son port d’attache, on devient « de nul part » et l’on sait pourtant à quel point les lieux auxquels on s’identifie peuvent nous aider à structurer notre personnalité.

Avoir un espace à soi, dans sa maison, pour travailler est donc fondamental. C’est à la fois l’endroit où l’on peut retrouver ses outils de travail mais aussi l’endroit du conditionnement où l’on sait que si l’on s’assoit, c’est pour travailler, et pour aucune autre activité. Le cerveau a besoin de ses repères qui lui évitent la confusion et lui garantissent concentration et efficacité. Finalement, le simple fait de s’assoir à son bureau de travail à la maison correspondrait au rituel matinal de déplacement vers son lieu de travail pour un salarié. Mais dans ce cas, on est chez soi, bien entouré, et pour réaliser un travail que l’on a choisi et que l’on aime !

 

Entourage et pédagogie

Autre écueil du travail à domicile : comme les frontières avec la vie privée deviennent vite floues dans une telle organisation, votre entourage, notamment familial éprouve de grande difficultés à saisir la limite entre le moment où vous êtes disponibles et le moment où vous travaillez et ne devez pas être dérangé. Je défie tout indépendant de me dire qu’il ne s’est jamais retrouvé dans cette situation, ne serait-ce qu’une seule fois dans sa carrière à la maison. Votre conjoint est adulte, il peut certainement saisir facilement les limites, même si certaines vieilles habitudes de dire immédiatement tout ce qui lui passe par la tête peuvent avoir la vie dure. Mais pour vos enfants en bas âge, la notion même de travail et d’activité professionnelle peut être difficile à appréhender. Voir papa ou maman devant un ordinateur ne signifie que rarement pour eux que vous êtes occupé, indisponible.

C’est bien là que la question de pédagogie entre en jeux car il faut expliquer que papa ou maman travaille mais cela ne suffit que rarement. Il faut mettre en oeuvre des méthodes simples à comprendre, comme afficher une panonceau avec des pictogrammes pour indiquer si l’on peut être dérangé ou pas, ou encore symboliser l’indisponibilité par le fait de fermer la porte (à clé ??? j’exagère ?) de son bureau, etc. Toutes les méthodes, les plus claires soient-elles sont alors bonnes à utiliser pour gagner quelques heures de calme professionnel chaque jours. Oui, c’est du vécu !

Je dois avouer avoir même tenté un argument massue il y a quelques temps, sans grand succès malheureusement : « Vous devez laisser papa travailler car s’il ne travaille pas, il ne va pas gagner d’argent, et s’il ne gagne pas d’argent, nous allons devoir rendre notre appartement car nous ne pourrons plus le payer… vous voulez aller dormir sous un pont les enfants ? ». C’est d’autant plus ridicule qu’il n’y a quasiment pas de ponts là où nous habitons, mais le risque de devenir SDF n’a pas fait sourciller mes enfants qui n’ont pas semblé plus inquiets que cela. Il doivent être encore trop jeunes pour avoir ce type de crainte. J’avais pourtant l’impression d’avoir été convainquant !

 

Utiliser toutes les pièces

J’ai chanté les vertus de pouvoir bénéficier d’un espace à soi pour travailler chez soi mais vous pourriez aussi considérer que votre espace de travail peut aussi s’étendre occasionnellement à l’ensemble des pièces de votre domicile.

Changer de pièce, c’est changer de point de vue. Chaque pièce de votre logement offre obligatoirement des agréments différents selon les heures de la journée, ensoleillement du salon le midi, convivialité du bureau à 18h, etc. Alors pourquoi ne pas en profiter pour tenter ces voyages de courte distance afin de respirer et améliorer sa productivité en refocalisant sa pensée dans un contexte différent ?

Je me déplace donc régulièrement, selon l’humeur du jour, mais aussi selon la météo, pour profiter du soleil. La tâche à réaliser détermine aussi mon choix. Je dispose d’un grand écran pour les jobs de codage ou de design graphique dans mon bureau mais le clavier de mon laptop me suffit largement quand j’ai un article à écrire. Je préfère alors le confort rembourré du canapé du salon ainsi que la compagnie de ma platine vinyle. Ces déplacements bon marché suffisent la plupart du temp à agrémenter mon quotidien, même si je compte bien étendre mon champ d’expérimentation les beaux jours venus, en testant quelques terrasses de café ou pelouses ensoleillées.

 

Distinguer travail et vie privée… et pourquoi pas tout mélanger ?

J’ai insisté sur la nécessité de pouvoir ne pas être dérangé par moment mais je ne suis pas certain que cette nécessité soit absolument circonscrite aux activités professionnelles car vous avez encore plus besoin de calme lorsque vous remplissez votre feuille d’impôt personnelle que quand vous faites du community management, tout est question de dosage.

Plus jeune, j’ai vite constaté que beaucoup de collègues avaient un rapport délétère à leur travail, au point de penser que si leur activité n’était pas désagréable, il ne s’agissait pas de travail. Je reconnais que quand on aime ce que l’on fait, on a moins l’impression de travailler, du moins au titre de la sensation de contrainte ressentie. Mais il s’agit tout de même de notre activité rémunératrice principale, donc de travail et bel et bien de travail et de ce que l’on appelle notre « activité professionnelle » (les deux notions se conjuguent mais ne sont justement pas strictement similaires, le travail étant une activité, une action alors que le caractère professionnel appelle l’idée de statut, statique, par opposition à l’action).

Et pourtant, quoi de plus harmonieux qu’une vie qui équilibre à la perfection vie privée et activité professionnelle ? Je crois que l’organisation harmonieuse des deux doit permettre de les mélanger, de les croiser au point que l’on ne puisse plus distinguer l’une de l’autre. Un rendez-vous de travail avec quelqu’un que l’on apprécie peut être aussi profitable que détendant. Un voyage professionnel dans un endroit inspirant permet de se dépayser et de se ressourcer. Une séance de création musicale peut ressembler à un hobby tant elle peut être à la fois productive et divertissante. J’ai rencontré dans ma carrière des personnalités pour qui la distinction vie privée / vie professionnelle n’avait plus aucun sens tant l’une nourrissait perpétuellement l’autre et réciproquement.

Mais attention à ne pas perdre pied, à trop travailler ou à ne plus se divertir. Il faut aussi préserver son intimité et confirmer que ce mode de vie convient à votre entourage proche qui acceptera alors de vivre avec vous selon ces mêmes modalités.

Je pense que la question de l’entremêlement de nos vies concerne tout particulièrement les indépendants qui travaillent à la maison car pour eux, c’est quand leurs vies privées et professionnelles ne se mélangent pas qui est plutôt rare. Il est évidement plus difficile pour eux d’établir une séparation franche que pour les salariés qui peuvent tracer une délimitation géographique claire entre leurs vies privées et professionnelles.

Alors plutôt que de voir ce mélange des genres comme un risque, je vous recommande de tenter d’en faire une force où les deux ses nourrissent mutuellement. Car cette confusion semble inéluctable, alors pourquoi pas tenter de l’apprivoiser ?

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